Plaçant l'Homme au centre de mes recherches, j'ai commencé par explorer une période charnière et fondatrice de nos existences.
En effet, enfant, nous faisons tous l'apprentissage de notre
temporalité. Le monde du "pour toujours" disparaît et les
interrogations nous rongent, ensuite, inéluctablement, nous oublions.
Je m’efforce dans mon travail de revenir aux sources de cette
révélation et des peurs originelles qu'elle engendre. Ma démarche est
une traduction formelle de ces questionnements profonds et des
habitus paradigmatiques de l'enfance (jeux, amour, joie, sexualité,
peur, violence, mort …)
Dans la série "Les enfances",
je mêle différents modèles de la représentation. Empruntant à
l'histoire de l'art, je revisite postures et traitements. Mais sous
l'immédiateté "séduisante" du motif, j'introduis une strate
instable. Compositions, figures, perspectives, sont ici manipulées pour
inviter le spectateur à lâcher prise et percevoir l’espace sensible
suintant derrière la doxa du champ rétinien.
Ces huiles sur toiles font apparaitre de jeunes gens contemplatifs ou
affairés. Personnages parfois tronqués, dévêtus ou blessés, présences
polysémiques intrigantes et fragiles. Ils se détachent sur un fond
sombre, un ciel s'étend en arrière plan et forme un contrepoint coloré
à ce sol charbonneux. Cette structure spatiale simple et contrastée
induit par son intime dualité d'autres thèmes connexes: paradis/enfer,
lumière/ténèbres, naissance et enfouissement...Les paysages sont des
écrins qui révèlent les corps. Ils fonctionnent comme des décors de
théâtre où coexistent : manches à air, explosions, trous, flaques,
maisons à l'abandon… Autant de "signes élémentaires" obsessionnels qui
peuvent devenir symboles de vie et de mort dans ces étendues baignées
de silence.
Outre la peinture, mon travail se nourrit d'autres champs de réflexion plastique (sculpture, photographie, installation).
Pour les "Landscakes" et autres
dispositifs, j'utilise jeux, jouets, éléments festifs et ludiques pour
créer chez le spectateur une rassurante connivence avec des éléments
familiers de son vécu ou de son quotidien. Mais en m'appropriant les
modèles archétypaux de l'enfance, je leur injecte par le détournement
un nouveau sens : ce qui est ne sera plus.
Par ces confrontations de référents antagonistes, par ces collisions
incongrues d’objets, je souhaite activer un processus
d’attraction-répulsion et initier une réflexion.
Ainsi les gâteaux se parent d'étranges nappages, les rébus deviennent
des énigmes morbides, les bombes surprises nous offrent des dentiers,
les figurines de dinosaures composent des couronnes mortuaires et les
piňatas peuvent renfermer des sondes urinaires....
Par la vision prismatique de l'enfance, s'expose dans l'ensemble de mon
travail, l'image d'une humanité en sursis, à la fois violente et
vulnérable. Mais ici, pas de nostalgie stérile, de lecture univoque. Je
n'impose rien, Je propose un point de départ pour une réflexion
libératrice de notre amnésie. Ne pas oublier la destination, pour peut
être mieux profiter du voyage.
Memento mori, memento vivere....
At a point
in
childhood we discover temporality: the “forever” world
disappears and questions arise to gnaw at us.
And then, inevitably, we forget.
I try hard, in my work, to go back to the sources of this revelation as
well as to the original fears it generates. My approach is a formal
translation of these deep questionings and the paradigmatic habits of
childhood (games, love, enjoyment, sexuality, fear, violence, death).
In my last series of oil on canvas, entitled
“Childhoods”, young
people, contemplative and busy alike, appear. Truncated, undressed or
wounded, intriguing and fragile polysemous presences. They often stand
out on a dark background, colorfully counterpointed by a far-reaching
sky in the background. This simple and contrasted spatial structure
induces other related themes, through its inmost duality: paradise and
hell, light and darkness, birth and burying…
The landscapes are caskets that reveal bodies. They are devised as
sceneries where airshafts, explosions, holes, puddles, neglected houses
coexist… As many “elementary obsessional signs” that can become symbols
of life and death in these extents bathed in silence.
My work is the result of interdisciplinary research. I am mainly a
painter, but I like investigating other fields of plastic practices
(sculpture, photography, installation).
In that regard the series
“Landscakes”
groups together a set of
sculptures that at first glance conjure up sweet pastries, but that can
also be seen as colored geological strata on which children indulge in
strange amusements. Or else, the series of photographs
“Contre nuit”,
in which some objects evoking childhood toys are taken by surprise in
the halo of a torch, summoning alternately practical jokes and drama,
tales and absurdity.
Thus, through the prismatic vision of childhood, my entire work
displays the image of a humanity living on borrowed time, both violent
and fragile. But no sterile nostalgia, no univocal reading. I impose
nothing; I suggest a starting point for a reflection that could free us
of our amnesia. Do not forget the destination, so that you may enjoy
the journey more thoroughly.
Memento mori, memento vivere…